12 April 2019

Allocution de Dr Joseph Torbey au Colloque sur le Droit des Marchés Financiers à l’USEK

Allocution du président de L’Association des Banques du Liban,

Dr Joseph Torbey

Au colloque sur le « Droit des marchés financiers »

Université Saint-Esprit-kaslik
Vendredi 12 avril 2019

Révérend Père professeur Georges Hobeika, Recteur de l’Université Saint-Esprit de Kaslik,
Monsieur le doyen Dr. Eric Savoux,
Mesdames et messieurs, doyens, directeurs et étudiants participants,
Distingués invités,

C’est pour moi un plaisir et un honneur de répondre à l’invitation qui m’a été adressée par la Faculté de droit et de sciences politiques de l’USEK, pour prononcer un mot d’ouverture à la conférence organisée aujourd'hui sur « le droit des marchés financiers », thème d’une grande importance pour le Liban et son économie. Actuellement, le secteur bancaire au Liban est la principale, voire la seule source de financement de l'économie dans ses deux secteurs public et privé. Le financement à travers le marché financier reste encore modeste, à la fois en termes de capitalisation boursière des actions échangées et en termes d'émissions primaires d'actions et d'obligations sur le marché. Ce déséquilibre caractérisant la structure du financement de l’économie constitue également l’une des faiblesses fondamentales des économies des pays émergents, vu que le financement sain de toute économie se base sur une structure plus équilibrée se fondant sur deux piliers:

le marché financier et les banques. En cas de hausse des taux d'intérêt sur les crédits bancaires ou de baisse des ressources bancaires, les entreprises et l’Etat pourraient se diriger vers le marché pour se financer à moindre coût en émettant des instruments financiers tels les actions, les obligations et autres. L’échange de ces titres sur un marché organisé permet, d'une part, de déterminer leurs prix et, d'autre part, de les liquider si leurs détenteurs estiment qu’il est préférable de s’en débarrasser en raison des fluctuations des prix ou du changement dans la gestion de leurs portefeuilles.

Les données statistiques révèlent que le nombre d'entreprises cotées à la Bourse de Beyrouth se limite à une dizaine et que le volume de la capitalisation boursière ne dépasse pas les dix milliards de dollars, c'est-à-dire qu'elle représente seulement 17% du PIB du Liban, tandis que le total bilan du secteur bancaire s’élève à 256 milliards de dollars et équivaut à plus de 4 fois le PIB du pays. Les crédits bancaires au secteur privé s'élèvent à 57 milliards de dollars, soit l'équivalent du produit intérieur brut.

Ces chiffres indiquent clairement la concentration de la structure de financement dans le secteur bancaire, ce qui a nécessité la promulgation de la loi établissant « l'Autorité des Marchés Financiers » (Capital Market Authority,CMA) en 2011 en tant qu'organisme de réglementation officiel de la gestion et du contrôle de la Bourse de Beyrouth et des marchés financiers, ainsi que le développement d'un certain nombre de lois et de réglementations qui régissent l'établissement des sociétés au Liban, leur capitalisation, leur gestion et leur cotation à la bourse. Cet organisme vise deux objectifs: premièrement, encourager et développer les marchés financiers en coordination avec les différents secteurs concernés et, deuxièmement, protéger l’épargne placée dans les instruments financiers. Afin de remplir ses fonctions, cette Autorité coordonne et coopère avec ses homologues, ainsi qu’avec la Banque Centrale et toute autre autorité compétente au Liban et à l'étranger.

Conformément à la loi qui la régit, "l'Autorité des marchés financiers" est une personne morale de droit public, jouissant d'une autonomie administrative et financière, et n'est pas soumise aux règles d'administration et de conduite des affaires et au contrôle des comptes des établissements du secteur public. l'Autorité des Marchés Financiers (CMA) est chargée de maintes tâches dont:
  • La protection de l'investisseur et l'organisation d'activités professionnelles
  • La réglementation des marchés et la réduction des risques systémiques
  • La délivrance de licences aux courtiers du marché, aux sociétés d’évaluation financière et aux organismes de placement collectif
  • L’organisation et le contrôle des bourses
  • le contrôle juridique
Le développement des marchés financiers revêt une grande importance en raison de ses effets positifs sur l’investisseur et les entreprises qui se financent à travers ces marchés à des conditions meilleures, ainsi que sur l’économie nationale en général, en leur permettant de trouver des sources de financement à long terme pour diriger l’épargne vers des investissements appropriés, parallèlement et en complément au financement bancaire. À cette fin, la CMA établit des règles et des réglementations conformes aux meilleures normes internationales pour assurer le bon fonctionnement des marchés financiers, ainsi que des contrôles stricts incitant les investisseurs nationaux et internationaux à investir dans les instruments financiers émis par des institutions soumises à la supervision des marchés financiers. Cela devrait encourager les sociétés libanaises à coter leurs actions à la bourse.

Mesdames et Messieurs, L’Autorité des Marchés Financiers au Liban a pu accomplir beaucoup en peu de temps, dans plusieurs domaines qui ne peuvent être totalement mentionnés dans cette brève allocution. Elle a élaboré un certain nombre de règlements d’application en coopération avec la Banque mondiale, émis un certain nombre de décisions réglementaires et de circulaires, mené diverses enquêtes et visites d’audit, coordonné avec des organismes de réglementation locaux et internationaux et participé à des sessions et ateliers de formation régionaux et mondiaux. Elle a signé également des protocoles avec d’autres organismes de supervision, ce qui lui a facilité l’adhésion à l’Organisation Internationale des Autorités des marchés financiers (IOSCO).

Ainsi, le cadre juridique et réglementaire régissant la revitalisation et le développement des marchés financiers au Liban est en principe achevé. Il reste que la législation et la réglementation ne suffisent pas à elles seules. Il existe encore des obstacles qui retardent le fonctionnement de ces marchés avec l’élan et l’efficacité souhaités. Le plus important de ces obstacles est lié aux coutumes et à la culture financière prévalant chez les individus et les institutions: la plupart des entreprises libanaises sont principalement familiales et sont rarement ouvertes aux participations extérieures à ce cercle familial étroit.

De plus, les Libanais sont habitués à placer leur épargne sous forme d'actifs sûrs dans des banques, à risques très limités. Les entreprises ont l'habitude de recourir massivement au financement bancaire sans avoir à renforcer leurs fonds propres, préférant s’endetter au lieu de se capitaliser. Cette capitalisation exige la cotation à la bourse, et par conséquent l’adoption de la plus grande transparence et la divulgation dans leurs budgets, comptes, résultats et plans futurs.

En bref, le législateur libanais a assuré le cadre régissant le fonctionnement des marchés financiers libanais et a créé, sous l’impulsion des autorités monétaires, l’ "Autorité des marchés", qui a promulgué les réglementations et les règles de travail nécessaires à son bon fonctionnement, mais l'instabilité politique et économique d'une part et le manque d’enthousiasme et de préparation des entreprises, d’autre part, constituent toujours deux obstacles essentiels qui empêchent d’activer ces marchés. Néanmoins, l’obstacle majeur reste d’ordre culturel, d’où le rôle des institutions académiques, telles que l’Université Saint-Esprit de Kaslik et d’autres, de sensibiliser l’opinion publique, les milieux d’affaires et les investisseurs libanais, sur l’importance de la participation aux marchés financiers vu l’impact positif de ces derniers sur le développement des entreprises, leur croissance et leur durabilité. Enfin, le lancement de la bourse électronique, ainsi que la privatisation de la bourse de Beyrouth, permettront sans doute le développement de l’économie numérique et la création de nouvelles opportunités pour les investisseurs libanais, arabes et étrangers, ainsi que pour les investisseurs potentiels des expatriés libanais. Dans l’attente que ces préoccupations soient intégrées dans les priorités du nouveau gouvernement libanais, nous espérons que les travaux de ce colloque seront couronnés de succès et produiront de précieuses et utiles recommandations. Merci.

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